Ce régime s’est progressivement mis en place et s’applique selon le DSA (Digital Services Act) (Règlement (UE) 2022/2065, 19 oct. 2022) à trois sortes d’intermédiaires : les prestataires de « simple transport », les prestataires de « mise en cache » et les prestataires d’hébergement.
Si les services d’intermédiaires n’ont aucune obligation générale de surveillance, cela n’exclut pas la possibilité d’une surveillance ciblée. En tout état de cause, l’hébergeur doit répondre aux injonctions des autorités et notamment aux injonctions de fournir des informations. Il pèse sur lui, première pierre dans la lutte contre l’illicite, une charge d’identification de quiconque a contribué à la création d’un contenu mais aussi l’obligation de concourir activement à la lutte contre certaines délinquances. Une politique de clarté s’impose avec les points suivants : désignation de « points de contact » ; mise à disposition de conditions générales normalisées ; obligation d’établir des « rapports de transparence ».
Indépendamment de toute considération textuelle, certains « acteurs » des réseaux méritent qu’on s’intéresse particulièrement à leur sort, eu égard à leur « positionnement » très spécifique, que ceux-ci revendiquent un statut, social sinon juridique, spécial, comme il en est par exemple des « influenceurs » dont le nom est déjà un programme, ou qu’objectivement ils se trouvent dans une situation foncièrement originale comme tel est le cas des « acteurs » d’un monde virtuel.
Les influenceurs occupent une place de plus en plus importante dans le petit monde des réseaux et nous avouons éprouver quelques surprises à les voir se désigner d’un nom qui suggère un absolu défaut de neutralité. Il est vrai qu’en dehors de la France où cette qualité n’a pas bonne presse, celle de lobbyste est reconnue et assumée dans bien des pays, lobbyistes qui, eux non plus, n’ont rien de neutres.
Une des difficultés dans la régulation de cette activité est que, faute d’un statut d’influenceur reconnu comme tel, ces influenceurs occupent des positions diverses par rapport aux produits ou services qu’ils promeuvent ou combattent.
La loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 « visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs » crée de nouvelles interdictions et obligations pour les influenceurs. Elle rappelle aussi celles qui sont parfois contournées. Désormais, sont considérés comme influenceurs les « personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience » pour promouvoir en ligne des biens et des services.
Celui qui navigue dans un monde dit virtuel peut toujours tenir, du lieu virtuel qui est le sien, un discours par exemple dénigrant ou d’incitation à la haine raciale comme il le ferait à partir d’un site quelconque. La médiation d’un avatar ne change rien à la chose.
En réalité, il faut décrypter les mondes virtuels comme ayant leur propre existence par rapport au monde réel mais aussi comme reliés au monde réel. Ces univers doivent être appréhendés sous ce double prisme comme univers du simulacre mais aussi comme univers immergé dans le réel et, sous ce double éclairage, ceux qui y participent doivent évidemment répondre non seulement de leurs discours mais aussi des actions qu’ils peuvent mener dans ces univers.
Le ChatGPT a fait grand bruit fin 2022 et début 2023 jusque dans la grande presse et dans la presse spécialisée mais ce sont, en réalité, tous les agents conversationnels qui posent problème dès lors qu’ils peuvent difficilement d’abord être conçus, ensuite être utilisés sans porter atteinte aux droits de tiers.
En effet, en amont, au stade de la conception de l’outil, le fait que l’algorithme emmagasine un nombre considérable de textes dont certains inévitablement couverts par droit d’auteur fait incliner vers une qualification de contrefaçon. En aval, au stade de son utilisation, outre que la production d’un texte par un robot fait douter de la qualification d’œuvre, il est fort possible que le texte produit reprenne des éléments protégés qu’aurait restitué le robot.
Si l’algorithme dit intelligent utilise des données protégées au stade de la conception et de l’élaboration de l’outil, il y a là certainement, dans une vision traditionnelle, un acte de contrefaçon.
Au stade de l’utilisation de l’agent conversationnel, ChatGPT ou autre, la question majeure est bien celle de la qualification à donner au « produit » de celui-ci : œuvre ou non ? Question qui, sans doute, en l’état présent de notre droit, devrait faire l’objet d’une réponse négative.
Dans la mesure où le ChatGPT et les différents agents conversationnels sont nourris à de multiples sources dont certaines couvertes par droit d’auteur, l’utilisateur peut se retrouver en train d’exploiter un texte qui reprend des textes protégés, que ce soit d’un écrivant anonyme ou d’un écrivain plus ou moins connu mais cela sans le savoir. Il faudrait y voir une sorte de « contrefacteur sans le savoir » (ce que n’exclut absolument pas notre droit de la propriété intellectuelle) ou de « parasitisme objectif » (ce qui n’est pas sans étrangeté).
Le fait est qu’il y a bien dans l’hypothèse considérée une forme d’exploitation parasite « mais sans qu’au moment où le texte est produit, l’utilisateur du ChatGPT ait conscience des emprunts faits ».
Le cyberharcèlement, la désinformation ou encore la haine en ligne sont autant de dérives qui touchent de plus en plus les contenus sur Internet.
Une bonne appréhension par les praticiens du droit du règlement sur les services numériques du (Digital Services Act – DSA) qui est entré en vigueur le 25 août 2023 et s’applique aux 18 plus grandes plateformes en ligne, est donc indispensable.
Retrouver dans l’édition 2023 du Lamy Droit du numérique les nouvelles règles applicables.
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